Paul Viaccoz
ESPRIT ES-TU LÀ ?
Du 1er octobre au 12 novembre 2021
Vernissage le jeudi 30 septembre 2021, de 14h à 20h
« … Souvent, il séjournait dans cet espace pour trouver le calme et l’inspiration. Dans un carnet, il prenait des notes accompagnées de croquis et de plans pour de futurs projets. Les murs blancs de la maison, la vue sur le jardin et les arbres étaient propices à la méditation et parfois à la lecture. Il pensait qu’un moine jardinier aurait pu se retrouver dans la même situation que lui, à l’écart du monde, du vacarme et des brutales réalités de la vie. Ces murs laiteux ressemblaient à ceux d’une chapelle. Par un jour de printemps, il décida de peindre de petites saynètes et des paysages directement sur ces parois immaculées. … »
Extrait du texte de Paul Viaccoz, ESPRIT ES-TU LÀ ?, paru dans Before publication 5, éd. CEC, 2021.
Esprit es-tu là ? Une question qui exprime la peur, le scepticisme mais peut-être aussi la légèreté d’une séance de spiritisme. Paul Viaccoz testerait-il des méthodes de divination ? Son travail d’artiste lui permettrait-il d’explorer des zones insoupçonnées, entre dédoublement et ultra-conscience, et d’éprouver le plaisir et la capacité à s’évader, s’élever et quitter ce monde.
Dans un aller-retour entre la magie et les limites de la science, entre illusion et réalité, ses dessins, peintures murales et assemblages d’objets oscillent entre constats, menaces et prédictions, une vision à la fois surréelle et horrifiée de la violence et l’horreur de l’actualité et ses déflagrations mortifères : guerres, maladies, pandémies.
Ses dessins se déplient souvent sur une centaine de feuilles, pouvant envahir jusqu’aux murs de son atelier. Cette pratique murale, traduit une extension très libre de ses lectures, pensées et méditations. Le retranchement dans cette petite maison de jardin qu’il appelle la petite maison blanche, lui permet retour sur soi et un regard distancé, entre rêve et présage.
Démultiplier le nombre de dessins ou de peintures, peindre le murs directement, rappellent aussi les peintres spiritualistes du début du XXème siècle ou des années 1970, enfermés dans de petits espaces et même chez eux ; leurs œuvres, dessins, peintures et même leur murs leur servant de support et leur offrant une immersion totale, mentale et hypnotique dans un développement de leur création bien au-delà des formats conventionnels.
L’exposition de Paul Viaccoz présente deux séries de dessins, l’une sur papier pour écriture braille, l’autre réunissant plusieurs Paysages de guerre, ainsi qu’une installation de trois Masques de radiothérapie.
Cette exposition est complétée par une publication, du même titre, qui réunit des détails des murs dessinés de la petite maison blanche, un choix parmi les Paysages de guerre et un texte de l’artiste, où Paul alias Damiano et ПОЛ, personnage central de deux précédentes nouvelles – Le responsable de l’économat est aujourd’hui indisponible (éd. FMAC, Genève, 2012) et La censure des messages, (éd. Musée jurassien des Arts, Moutier, 2018) –, évoque l’expérience de l’isolement. Ce court texte encadre deux citations tirées du livre de Wolfgang Sofsky, L’Ère de l’épouvante. Folie meurtrière, terreur, guerre (éd. Gallimard, Paris, 2002), qui témoigne des difficultés à représenter la cruauté, la violence et la guerre.
Cette publication rejoint la série des Before publication, éditées par le CEC et liées au deuxième tome du catalogue du CEC, L’Effet papillon II, 2008 –, qui couvrira l’activité du Centre d’édition contemporaine à partir de 2008, qui fera suite au premier ouvrage du même titre et qui couvrait la période de 1989 à 2007.
Une petite brochure de huit pages est ajoutée au communiqué de presse et présentera des images de deux Murs chamaniques, réalisés sur les murs intérieurs de la propre maison de l’artiste, où jour après jour il a assemblé des objets trouvés dans la nature ou issus de la vie courante, mais aussi des souvenirs, fétiches, talismans, juxtaposés ou combinés à des photographies, dessins, screenshots de vidéos, cartes postales, masques, instruments de musique, têtes de morts, sabres, fleurs séchées, plumes, bijoux et broderies. Cet ensemble d’objets, d’images et de textes forme un puzzle mural, recombiné au grès de son humeur, ses réflexions et les événements extérieurs. Les murs de ce studiolo personnel construit un langage dont le sous-texte reste crypté et secret, un autel intime, poétique, ritualisé, aux limites de l’exorcisme, entremêlant la figure de l’artiste à celle du chaman.