Fabrice Gygi
VITRINES et PITON UNIVERSEL
Vernissage le jeudi 3 mai dès 18h.
Exposition du 4 mai au 23 juin 2001
Fabrice Gygi est un artiste genevois qui a pris depuis quelques années une nouvelle place sur la scène de l’art contemporain en Suisse et plus récemment à l’étranger. En effet, son travail a été présenté dans plusieurs expositions collectives – Nonchalance, Centre PasquArt, Bienne, Freie Sicht aufs Mittelmeer, Kunsthaus de Zürich, Dogdays are over, Centre Culturel Suisse, Paris, Xn00, Espace des Arts, Chalon-sur-Saône – et personnelles, au Centre d’Art de Neuchâtel et au Magasin-Centre National d’Art Contemporain de Grenoble. Il a également réalisé plusieurs interventions dans l’espace public à l’occasion de Over the Edges à Gent, à Fribourg sur une initiative de la Kunsthalle et à Bienne pour Transfer. Ses œuvres récentes sont régulièrement exposées à la galerie Bob bon Orsouw de Zürich et à la galerie Chantal Crousel à Paris.
Le champ de sa pratique artistique s’est très rapidement élargi de la performance à l’installation et aux interventions publiques, de la gravure à l’édition de multiples.
Dans un premier temps, il s’est affirmé dans une mouvance artistique locale proche du mouvement squatt, alors très actif à Genève. Dans ce contexte citadin, le choix d’un mode de vie nomade et décalé, déterminait une attitude réfractaire à l’ordre social. Cette position, frisant parfois l’anarchie, se traduisait par des actes directs et contestataires – manifestations, occupations de bâtiments, opposition à l’armée -, mais aussi par des implications plus personnelles – interventions sauvages sur des bâtiments publics, tatouages, bagarres,… – et bien sûr par des actions artistiques particulièrement radicales le mettant physiquement en scène. Ses premières performances, souvent caractérisées par une symbolisation de la violence du pouvoir au travers de sévices corporels, réels ou simulés, (brûlures, trous, attaches, liens, excroissances) éprouvaient cette limite entre lui, son corps, et le monde extérieur. La peau, métaphore récurrente et élargie à des pièces proches du vêtement (combinaison de survie, tchador) ou par extension à des architectures (structures bâchées, tentes), définit fortement cette frontière à la fois protectrice et poreuse, menacée et en constant déséquilibre, détruite et reconstruite perpétuellement. Elle porte en elle cette question de l’identité, oscillant entre une situation de sujet agissant et celle d’objet dominé par le contexte social. Questionnement qui est au centre du travail de Fabrice Gygi.
Lors de ses actions, l’attitude parfois théâtralisée de l’artiste le transformait tour à tour en victime et en bourreau, et créait une atmosphère de tension et de peur, laissant planer une menace sur le spectateur. Une ambivalence surgissait alors, révélant à la fois une fascination pour l’autorité et sa contestation même. Ambiguïté induite par sa perception de la société dans laquelle, d’après lui, « tout citoyen est une figure d’autorité potentielle, car il est en position de capillarité avec l’ordre social »
Modélisant ce point de vue politique et social, ses installations, réalisées dans un premier temps pour son usage personnel et pour une vie toujours en mouvement, se sont ensuite transformées en mobilier urbain, détournées pour la plupart de leurs exemples les plus courants, elles proposent des lieux de vie, de plaisirs, de souffrance ou de rassemblement. Ses objets – tentes, étals de marché, matelas de gymnastique, airbags géants, scènes, podiums, buvettes, guérites – impliquent directement le spectateur, mettant à sa disposition des boissons, de la nourriture, de la musique. Mais, le plus souvent, ils représentent froidement, silencieusement, au travers d’une récupération de l’esthétique militaire ou paramilitaire, d’une similarité avec des emblèmes policiers ou nationalistes ou encore avec la signalétique sportive et routier, notre environnement occidental sur-organisé, qui projette quotidiennement un rapport problématique et violent, évidemment antagoniste avec l’identité de chacun.
Ces stuctures témoignent de situations sociales et civiques, qui nous sont quotidiennement imposées, souvent de manière insidieuse. Une organisation balisée par des “bornes” qui interfèrent avec notre liberté de mouvement et qui nous guident, physiquement et moralement, en Suisse par un ordre particulièrement ostentatoire. À l’égal du ressenti à fleur de peau de l’artiste, ses dispositifs nous font durement prendre conscience de l’existence de notre corps immanquablement confronté au corps social.
Pour cette nouvelle exposition au centre d’édition contemporaine, Fabrice Gygi propose une installation en rapport avec notre nouvelle adresse. Les grands vitrages de notre arcade – très ouverte sur la rue – seront complètement occultés par des vitrines bâchées, masquant la vision de l’intérieur et de l’extérieur. L’espace sera protégé de la curiosité des passants. Elément tout à fait paradoxal et ironique pour une galerie qui abrite un centre d’art.
L’édition PITON UNIVERSEL produite par le Centre d’édition contemporaine à l’occasion de cette exposition est un multiple, entre l’outil et l’arme, sorte de « piton d’accrochage » ou d’ »arme blanche », en fonte-alu, tiré à 30 exemplaires, présenté dans une simple boîte en carton. Cet objet, proche de la manufacture et de l’utilitaire, sera installé à l’arrière de nos nouvelles vitrines.