Fabian Marti
Such a Good Girl
Exposition du 17 janvier au 7 mars 2020
Vernissage le jeudi 16 janvier 2020, dès 18h, dans le cadre de la Rentrée du Quartier des Bains
Fabian Marti envisage son travail artistique comme une possibilité d’interroger la place de l’artiste et de l’individu dans la société et dans le champ de la production. Ce type de questionnement qui le rapproche de l’art conceptuel permet à Marti d’envisager sa pratique comme un moyen de remettre en cause les cloisonnements entre les techniques traditionnelles, les modes conventionnels de création, les termes habituels de l’échange, jusqu’au statut de l’artiste. Il revient vers des choix techniques plus archaïques, notamment au fait-main, se réappropriant un savoir-faire artisanal comme la céramique. Quant au déplacement de la fonction de l’artiste, Marti s’engage et participe à la création d’espaces d’exposition, d’ateliers d’artistes ou encore de maisons d’édition. L’espace zurichois Hacienda ou TwoHotel, Marti Collection, Marti Ceramics, FM Studio Chairs, représentent à la fois des objets artistiques et de petites « entreprises », lieux ou structures qui facilitent des projets de production, aussi bien pour Fabian Marti lui-même que pour des artistes invités.
Au-delà de cet engagement communautaire, Marti fait appel dans son œuvre à des références qui relèvent autant de l’histoire de l’art que de cultures primitives ou des sciences occultes. Il mêle des motifs géométriques et des symboles qui pourraient s’apparenter aussi bien à l’op art qu’à l’art tribal. Très graphiques, noir/blanc, ses collages et imprimés produisent un impact hypnotique. Ses objets totémiques s’inspirent de pratiques qui flirtent avec des notions aujourd’hui revisitées, l’ésotérisme, la magie ou le sacré. Dans un monde fluide où s’entremêlent nouvelles croyances et puissances numériques qui démultiplient les possibles et les mystères, Marti se plonge, recherche, expérimente, dans ce flux où s’imbriquent connaissance, fascination et impact sur son récit personnel.
Les signes choisis et récurrents se sont petit à petit confondus avec le vécu de l’artiste, l’observation plus lente et solitaire du quotidien, oscillant entre le réconfort de la répétition et l’angoisse du temps qui passe. Marti se filme tous les jours, transformant la pratique envahissante du selfie et de l’autopromotion en un enregistrement vidéo systématique de ses faits et gestes journaliers, I.L.N. Chapter 1 (Stories 2017-2019), nous rappelant les Dates Paintings de On Kawara, leur lente et inexorable déclinaison vers la disparition annoncée.
I.L.N., abréviation d’un titre plusieurs fois utilisé par Marti, I LÄBE NO, en dialecte bernois, que l’on peut traduire par « je suis encore vivant», constitue une « Story » très personnelle, qui à l’inverse de On Kawara reconstituerait sa vie. Plus généralement, elle déplace les références de Marti vers des éléments plus triviaux, intimes, de la vie quotidienne : ses rencontres, ses visites de musées, ses soirées, ses déplacements. Tout est filmé, reproduit et décliné autant de fois que Marti enregistre sa vie, poussant au paroxysme cette action d’autopromotion, se transformant lui-même en un personnage. La répétition du même « sujet », enregistré dans de multiples situations, produit un effet comique, le transformant en une sorte d’artiste-Tintin-voyageur. Petit à petit, la démultiplication des prises de vue l’efface au profit des arrière-plans et des environnements sonores, qui émergent comme les principales sources d’informations. L’invasion permanente et à haute dose d’images impliquerait que I.L.N. pousse l’expérimentation dans ses extrêmes, testant les limites du média, la résistance identitaire à l’enregistrement non-stop et le seuil de dépersonnalisation et de la déréalisation. Chaque épisode ne traduit pas ce long cheminement vers la mort des Date Paintings, encore très physique, mais plutôt sa dilution dans le flux d’images, lui-même transformé en fantôme numérique, hors de toute temporalité, ni vivant ni mort, virtuel.
Such a Good Girl, l’édition réalisée avec le CEC, dessine la silhouette du chien de l’artiste, tenu à bout de bras. Cette figure réalisée en deux dimensions et en laiton, fixée au mur, suspendue dans le vide, est transformée en enseigne. La ligne est stylisée et réduite, rappelant un emblème ou un blason. Le geste reproduit, celui d’une chienne attrapant son chiot par le col, hésite entre affection et autorité. Marti expose son chien, comme il le fait pour lui-même. Il est le sujet de plusieurs travaux, photographies, Stories Instagram, Lutz & the Sunset Tower, Lutz & Kronenhalle, Lutz & the Hanged Man, Lutz & Dresseur d’Animaux, Lutz & I’m a Good Boy, Lutz & Spidey, sous-titres à la série I LÄBE NO. Il lui attribue le statut de muse, glissant vers l’anthropomorphisme, lui faisant porter un rôle féminin pour le moins daté, décalé et que l’on peut questionner.
Transformé en objet transitionnel, miroir et réceptacle des obsessions et des addictions de l’artiste, Such a Good Girl, sa surface brillante et miroitante, se marquera en cours de fabrication de traces de doigts, caresses et manipulations, stigmates de cette dépendance, entre attachement et rejet.
Such a Good Girl, multiple, laiton, empreintes de mains de l’artiste et d’une des pattes de son chien, concentré de jus de citron, 1000 × 645 × 6 mm, 8 exemplaires, 1 H.C., 1 exemplaire spécial (E.S.), 1 épreuve d’artiste (A.P.) et 1 prototype, numérotés, datés et paraphés FM au poinçon et au dos de la plaque de fixation. Coédition Wilde et Centre d’édition contemporaine, Genève, 2020.
Fabian Marti (né à Fribourg en 1979, vit et travaille à Los Angeles) a été invité à réaliser plusieurs expositions personnelles, notamment à Zurich à la Galerie Peter Kilchmann en 2014 et 2019, à la galerie Wilde/Art Bärtschi & Cie, Genève en 2014 et 2018 et à la galerie Fonti, Naples en 2015 et 2018. Au Paradise Garage, Venice/CA en 2012, à Wallriss, Fribourg, au Centre Pasquart, Bienne et au HHDM, Vienne en 2013, au Kunstmuseum Winterthur et au Kunstverein Braunschweig en 2011, au Parc Saint Léger, à Pouges-les-Eaux et au Kunstmuseum Luzern, en 2016. Plusieurs expositions personnelles sont prévues, en 2020 à la galerie O – Town House, Los Angeles et en 2021 au Kunstmuseum Bern. Il a également participé à plusieurs expositions collectives, au Kunsthaus de Aarau, à l’Institut suisse de Rome en 2012 ; à la Kunsthalle Wien, au Museum für Gegenwartskunst, Bâle, au Museo d’Arte Moderna di Bologna et à Forde, Genève en 2013, au Museum Rietberg, Zurich, à Witte de With, Rotterdam et à la galerie Truth and Consequences, Genève en 2014, au Swiss Institute, New York en 2015 ; à Karma International et à Evergreene Studio, Los Angeles en 2016 ; à la galerie Francesca Pia, Zurich, à Hauser & Wirth, Londres et pour la Burger Collection Hong Kong à la Langen Foundation, Neuss en 2018 et au Kunstmuseum Luzern en 2019. En 2011, il a été invité à la Biennale de Venise et en 2018 à la Biennale de Busan.