(INDEX)

Jonathan Monk 
Soft Boiled Eggs 

Jonathan MonkSoft Boiled EggsSoft Boiled Egg 1/10 + Soft Boiled Eggs 9/10 + Soft Boiled Eggs 2/10 + Soft Boiled Eggs 8/10 + Soft Boiled Eggs 3/10 + Soft Boiled Eggs 7/10 + Soft Boiled Eggs 4/10 + Soft Boiled Egsg 6/10 + Soft Boiled Eggs 5/10 + Soft Boiled Eggs 10/10, transfert des DVD de l’édition originale (2013), 3h 59′ 13”, boucle, muet, 2023

Jonathan Monk procède par formule, par série. Il élabore des partitions qui, une fois établies, sont réalisées, cette seconde partie n’étant pas forcément l’étape la plus importante. Ces partitions pourraient d’ailleurs être considérées comme une forme « élargie » de l’édition, un jeu avec certains de ses paramètres : le droit à l’image, le copyright, la propriété artistique. Jonathan Monk est le parfait candidat à l’édition, puisque pour lui, original et copie représentent, surtout, et au-delà de leur valeur marchande, des possibilités infinies et très libres de croisement, de brouillage. C’est ainsi qu’il revisite certains standards artistiques souvent déclinés sous la forme de multiples, comme un acteur qui rejouerait ses classiques, ferait ses gammes.
S’il entretient une distance ironique avec l’art, conceptuel le plus souvent, il entretient le même recul amusé et critique avec la société et ses dérives. Monk met en scène et vit la prolifération des signes, qu’ils soient artistiques ou consuméristes, comme une forme d’invasion de notre espace de vie, quotidienne et mentale, qu’il recompose et réorganise pour en extraire toute l’absurdité, dans un décalage souvent plus affectif et autobiographique qu’il n’y paraît. 

Pour son exposition personnelle, Egg, qui a eu lieu au CEC du 21 février au 27 avril 2013, Jonathan Monk a imaginé une édition, Soft Boiled Eggs, composée d’une série de films Super 8 uniques dont le système de réalisation est basé à la fois sur la durée d’une bobine standard Super 8 et sur le temps de cuisson d’un œuf. Une édition dont chaque exemplaire est produit toutes les deux minutes et demie, suivant une procédure mécanique.
Dans une même casserole, Monk ajoutait un œuf toutes les deux minutes et demie : ainsi, pour le premier exemplaire, le film ne montre qu’un œuf ; le deuxième, deux œufs, etc. jusqu’à dix œufs pour le dixième exemplaire. Si cette proposition semble simpliste, elle apparaît comme une référence candide aux œufs ou aux séries d’œufs plus anciennes ; on pense à Manzoni, Broodthaers, Kippenberger… mais également à l’œuf comme symbole de l’objet ou du multiple parfait, pour Jonathan Monk, une idée à laquelle il ne pouvait échapper : « I like boiled eggs and I couldn’t escape from them! – for me they represented the beginning of something… in this case the egg and not the chicken… »

L’édition finalisée est composée d’une bobine de film Super 8, d’un transfert DVD et d’un certificat d’authenticité signé par l’artiste. Le tout dans une boîte noire dont le couvercle porte le motif de 10 œufs de couleur différentes réalisé au pochoir. Une édition de Pâques en quelque sorte.


Johnathan Monk, Soft Boiled EggsSoft Boiled Egg 1/10 + Soft Boiled Eggs 9/10 + Soft Boiled Eggs 2/10 + Soft Boiled Eggs 8/10 + Soft Boiled Eggs 3/10 + Soft Boiled Eggs 7/10 + Soft Boiled Eggs 4/10 + Soft Boiled Egsg 6/10 + Soft Boiled Eggs 5/10 + Soft Boiled Eggs 10/10, vidéo, 10 films uniques issus de l’édition produite par le CEC en 2013 monté dans un ordre proposé par Jonathan Monk  : 1/10 + 9/10 + 2/10 + 8/10 + 3/10 + 7/10 + 4/10 + 6/10 + 5/10 + 10/10, mis bout à bout, en boucle, transferts des DVD de l’édition initiale, montage, temps de chaque film = temps de cuisson d’un œuf, de 2 œufs, de 3 œufs, de 4 œufs, 5, 6, 7, 8, 9, de 10 œufs, couleur, 2023


Johnathan Monk
Soft Boiled Eggs
Soft Boiled Egg 1/10, …, Soft Boiled Eggs 10/10, 10 films uniques, Super 8 et DVD, couleurs, temps du film = temps de cuisson d’un œuf, de deux œufs, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix œufs, boîte cartonnée noire dont le haut du couvercle porte un motif peint d’œuf, au pochoir, réalisé par Jonathan Monk, spray, couleurs, contenant une bobine de film Super 8, un transfert DVD, ainsi qu’un certificat d’authenticité signé, 10 exemplaires numérotés de 1 à 10, datés. Édition du Centre d’édition contemporaine, Genève, 2013.
Jonathan Monk est né à Leicester en 1969, il vit et travaille à Berlin. Ses dernières expositions personnelles ont eu lieu en 2023 chez Cristina Guerra, Lisbonne, à la galerie Dvir, Paris, au König2 project space, Vienne ; en 2022, à la galerie Casey Kaplan, New York, Massimo de Carlo, Paris, et Meyer Riegger, Karlsruhe. En 2023, il a participé à plusieurs expositions collectives, entre autres, à la Galerie Nicolai Wallner, Copenhague, au Mudac, Lausanne, à la Fondation Morra Greco, Naples ; en 2022, à la Collection Boros, Berlin, au MAH, Genève, au Design Museum Holon, Israël, et au MAAT, Lisbonne. 
Ce projet bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Liz Craft
Brave new world, March 2020

Liz Craft, Brave new world, March 2020, vidéo, 17’’, 2020

Liz Craft appartient à une génération d’artistes fortement inspirés par l’imaginaire à la fois kitsch et libertaire de la Côte Ouest des États-Unis. Son univers oscille entre l’esprit léger et libéré du Flower Power des années 1970 et la sexualité́ militante des années 1980. L’intérêt de Craft pour le matériel utilitaire et courant l’amène à les combiner dans des sculptures, souvent des marionnettes ou sorte de poupées, personnes bricolées mais très expressifs, qui brouillent les frontières entre arts et artisanat, mais également entre installation et scène de théâtre, entre fiction et récit personnel.

Pour la première partie du projet Videos : new and revisited, nous présentons un film court de Liz Craft, Brave new world, March 2020, vidéo, 17’’, 2020, dont l’enregistrement s’est fait avec un simple iphone, pendant la période du confinement en mars 2020 dans le Parc National de Joshua Tree, au sud-est de la Californie. Ce long traveling sans fin, parcours le désert, sans aucuns touristes ni âme qui vive, et donne une impression de liberté et de mouvement, vertigineuse dans ce moment étrangement statique et d’enfermement. Ce film a fait l’objet d’une commande, passée à plusieurs artistes pendant le confinement et la fermeture CEC dont Guillaume Dénervaud, Giulia Essyad, Paul Paillet, Mai-Thu Perret et RM. Cette série de films courts ou d’images a été diffusée sur la page Instagram du CEC dans une mini-série intitulée « MEANWHILE », en attendant que le CEC puisse rouvrir en mai 2020. 

Liz Craft (1970, Los Angeles) vit et travaille à Berlin. Son travail a été présenté dans le cadre de diverses expositions individuelles, comme : Ms. America, au Centre d’édition contemporaine, Genève (2022); Cavern, à la Neue Alte Brücke, Frankfort (2022) ; Do You Love Me Now ? à la Kunsthalle und Kunstmuseum, Bremerhaven (2022). Elle a également participé à de nombreuses expositions collectives : Kreislaufprobleme à Croy Nielsen, Vienne (2019), Tranted Love au ConfortModerne, Poitiers (2018) ; Sueurs Chaudes au South Way Studio, Marseille (2017).
Ce projet bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Jeffrey Vallance
The Gospel According to Jeffrey

Jeffrey Vallance, The Gospel According to Jeffrey, vidéo de la performance à la chapelle de Saint-Léger, Genève, 82’, son, français, 2012

Issu de la contre-culture, Jeffrey Vallance (né en 1955, il vit et travaille à Reseda/Los Angeles) est un artiste californien qui revisite les rituels religieux, le folklore et les pratiques fétichistes. Endossant tour à tour le costume d’ambassadeur, d’anthropologue, d’explorateur, d’écrivain, de professeur ou encore de chercheur en phénomènes paranormaux, Vallance est un collectionneur compulsif qui alimente son fonds de commerce de mythologies personnelles et collectives. Marqué par la figure de son aïeul Emil Knudsen (1872-1956), célèbre médium norvégien, il croit fermement à la part d’inspiration de son travail, souvent perçu comme un dialogue avec l’au-delà. Aussi fait-il de son quotidien un monde enchanté, ouvert aux actes de foi, aux mystères et aux révélations. Élevé dans la stricte tradition luthérienne et versé dans un art contemporain flirtant avec l’hérésie, Vallance résout cette apparente contradiction dans sa nature dyslexique, qui lui permet de faire coexister harmonieusement des croyances contradictoires. C’est en visitant le Musée International de la Réforme – lors de sa première venue à Genève à l’invitation du Centre d’édition contemporaine –, que l’artiste s’est senti interpellé par la figure de Jean Calvin, invitant tout bon chrétien à diffuser largement la parole de Dieu. A cinq siècles de distance, il lui fallait prendre le message au sérieux en publiant rien de moins que sa propre Bible – The Vallance Bible. Ce geste audacieux serait à nouveau marqué au sceau du paradoxe : un accomplissement spirituel et artistique, tout comme un acte blasphématoire, ou du moins largement teinté d’ironie. L’exposition de Jeffrey Vallance au Centre d’édition contemporaine constitue la première exposition personnelle de l’artiste en Suisse. A cette occasion, il présentera sa bible « personnalisée » en anglais, The Vallance Bible (coédition Grand Central Press, Santa Ana et Centre d’édition contemporaine, Genève, 2011), ainsi qu’une production inédite de dessins et d’éditions, sortes de bondieuseries inspirées du merchandising religieux. (Eveline Notter, extrait du communiqué de presse de l’exposition, Jeffrey Vallance, The Vallance Bible).

Pour le projet, Videos : new and revisited, et sa partie « Archives », nous présentons pour la première fois le film qui a été réalisé lors de la performance de Jeffrey Vallance, The Gospel According to Jeffrey, le 29 mars 2012, lors du vernissage de son exposition personnelle, The Vallance Bible, qui a eu lieu au CEC du 30 mars au 5 mai 2012. L’exposition et la performance ont été organisées par la commissaire d’exposition, Eveline Notter, Genève. Cet événement s’est déroulé dans la Chapelle de Saint-Léger, voisine du CEC, qui a l’époque était situé dans cette même rue. Cette performance ressemblait davantage à une cérémonie, plus œcuménique que réellement religieuse. Elle réunissait pour une table ronde plusieurs experts, universitaires, conservateurs ou religieux, représentants du catholicisme, du protestantisme et du bouddhisme, comme Jérôme Ducor (l’ex-conservateur du département Asie, du Musée d’Ethnographie de Genève, bonze bouddhiste, Genève), Xavier Gravend-Tirole (théologien et chercheur, ancien assistant à l’Université de Lausanne et à l’institut religions, cultures, modernité de Lausanne, IRCM), le pasteur William McComish (ancien doyen de la Cathédrale St-Pierre, Genève), Gabriel de Montmollin (ex-directeur des éditions Labor et Fides, actuel directeur du Musée International de la Réforme, Genève) et Humberto Salvagnin (organiste à la Paroisse de St-Thérèse, Genève). Suite à la lecture du chapitre, The Gospel According to Jeffrey, tiré du livre coédité par Grand Central Presse, Santa Ana et le CEC, par le « célébrant humaniste » Julien Abegglen Verazzi, chaque intervenant s’était exprimé et avait réagi au gospel et à la bible très personnelle de Vallance. La performance se terminait par une discussion avec le public, et le cantique de Martin Luther, Ein fest Brug ist unser Gott.

Jeffrey Vallance (1955, Torrance) vit et travaille à Los Angeles. Son travail a été présenté dans le cadre de diverses expositions individuelles, comme A Voyage to Extremes au Ampersand cooperative structure, Lisbon (2023) ; Relics: Blinky and Bloody Blanket au International Cryptozoology Museum, Portland (2022). Il a également participé à de nombreuses expositions collectives : Lächerlich Deins! Au Bundeskunsthalle, Bonn (2022) ; Urban Explorer à Knoxville Community Media, Knoxville (2022).
Ce projet bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Gerard Byrne
For example; a sketch of Five Elevations, 1971-72

Gerard ByrneFor example ; a sketch of Five Elevations, 1971-72, vidéo, 9′ 37”, boucle, muet, 2011

Pour son exposition au Centre d’édition contemporaine en 2011 (4. 05 – 16. 07. 2011), Gerard Byrne a réalisé film lié à une œuvre de Richard Serra datant de 1971-72, Five Elevations, installée dans le parc d’une collection privée à l’extérieur de Londres et à laquelle il a pu avoir accès. Ce film fait suite à une série de recherches sur l’abstraction, le minimalisme et à un précédent travail, A thing is a hole in a thing it is not (vidéo, 2010). Il a été produit et présenté une première fois au Van Abbemuseum, Eindhoven, puis à la Renaissance Society, Chicago, au Lismore Castle Arts, County Waterford, Irlande, ainsi qu’au 2010 Glasgow International Festival of Visual Art. Cette pièce de 2010, constituée de plusieurs films courts, met en scène des œuvres issues de la collection du Van Abbemuseum, qui représentent en quelque sorte la quintessence du minimalisme américain : avec des peintures et sculptures de Carl Andre, Donald Judd, Dan Flavin, Robert Morris et Frank Stella. Réinstallées par Gerard Byrne dans les salles du musée d’Eindhoven, ces œuvres rejouent leur présence au musée. La caméra filme aussi bien les œuvres que le contexte : monteurs, photographes, nettoyeurs, gardiens et visiteurs. Les prises de vue sont le résultat de balayages ou de va-et-vient distancés entre l’environnement, des détails apparemment anodins et les œuvres elles-mêmes, devenues elles aussi objets. Le déplacement de point de vue qu’opère Gerard Byrne est recontextualisé dans le champ du minimalisme par Penelope Curtis dans son texte, A local address, paru dans le catalogue Tuxedo Junction (1960), à propos de A thing is a hole in a thing it is not :

« This means that we are left with the possibility of thinking of Minimalism’s project as both romantic and classical; as a work of the imagination as well as of manufacturing; an idea as well as an object ; a dream as well as a result. It is also made clear, however, that Minimalism is not just about us, and our experience, but also about how other experiences are mediated for us, whether in text, voice or imagery. »1 Catalogue dans lequel il est également noté en exergue : « Assembled and edited by Gerard Byrne upon the achievements of the Minimalists and their critics. »2

Pour For example ; a sketch of Five Elevations, 1971-72, la caméra flotte autour de Five Elevations. Les prises de vues reprennent des standards cinématographiques, créent une image subjective de cette sculpture relativement complexe. En toile de fond et sans que ce soit le sujet du film, la caméra enregistre simultanément et partiellement un shooting pour un magazine de mode, qui se déroule là par pure coïncidence. Malgré ces deux plans de circonstance, l’œuvre de Richard Serra reste le personnage principal de cette fiction, même si la confrontation avec le shooting transforme Five Elevations en une sorte de « Stonehenge » provocant un back-clash temporel : l’éternel vs l’éphémère.

Gerard Byrne pose ici, comme dans ses précédents travaux, la question de la transmission, historique ou artistique, d’une réalité connue, médiatisée, phénoménologique ou davantage encore iconique, en la mettant à l’épreuve de son enregistrement ou de son réenregistrement (film, photographie), de sa diffusion et de sa réception :

« The idea was to construct for each work a kind of self-awareness of being viewed. I am interested in how the camera tries to construct and elaborate those viewpoints in a filmic sense. I recall Beckett’s Film quoting our fellow Irishman Bishop Berkeley – »To be is to be perceived ». 


Gerard Byrne, For example ; a sketch of Five Elevations, 1971-72, vidéo HD, boucle, couleur, muet, lecteur multimédia (full HD), 20 exemplaires, 2 E.A. et 2 H.C., numéroté, daté et signé. Edition du Centre d’édition contemporaine, Genève, 2011
Gerard Byrne a exposé en 2020 au Centraal Museum Utrech (2020), à la Sessession, Vienne (2019), au Moderna Museet, Stockholm (2017), au Kunstmuseum St. Gall (2015), au FRAC des Pays de la Loire, Nantes (2014), au Baltimore Museum of Art (2013), à la Bonniers Konsthall, Stockholm (2013), à la Whitechapel Art Gallery, Londres (2013), à la Renaissance Society, Chicago (2011), à la Lisson Gallery, Londres et New York (2017, 2013, 2009 et 2007). Il a également exposé à la Kunstverein, Düsseldorf (2007) et pour le Pavillon Irlandais de la 52ème Biennale de Venise (2007). Il a participé à plusieurs expositions collectives à la Tate Britain, Londres (2006, 2010 et 2014), au MUDAM, Luxembourg (2010), au Kunstmuseum Basel, Bâle (2010), à la Malmö Konsthall (2010) et au Henry Moore Institute, Leeds (2010), ainsi qu’à la Biennale de Turin, de Gwangju et de Sydney (2008) et à celle de Lyon (2007). Il a participé à l’exposition ILLUMInazioni pour la 54ème Biennale de Venise (2011), à la Documenta 13, Kassel (2012), à The Art of Memory, à la Bonniers Konsthall, Stockholm (2012), Salon der Angst, à la Kunsthalle, Vienne (2012) et Trapping Lions in the Scottish Highlands, Aspen Art Museum (2912), à Curiosity, De Appel, Amsterdam (2012), The Persistence of Objects, Lismore Castle, pour Out of Body, Out of Time, Out of Place, Skulptur Projekte 2017, Münster (2017) et à la Biennale de Busan (2020).

1 Penelope Curtis, « A local address », in Gerard Byrne, Tuxedo Junction, 1960, Lismore Castle Arts, Lismore, Co Waterford, Irlande, 2010
2 Gerard Byrne, Tuxedo Junction, 1960, Lismore Castle Arts, Lismore, Co Waterford, Irlande, 2010, page de garde
Ce projet bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Gianni Motti
Cosmic Storm, Cern

Gianni Motti, Cosmic Storm, Cern, vidéo, 30’, son, 2006

Le travail de Gianni Motti révèle les faces cachées du système politique et, plus globalement, de l’état du monde. L’artiste aime considérer « le dessous des cartes », l’au-delà des apparences et de la conscience, comme les phénomènes paranormaux et d’anticipation, les mouvements sectaires, les instincts primitifs et les théories du complot.

Les oeuvres de Gianni Motti ne sont ni des sculptures ni des installations, pas même des ready-made, peut-être des ready-made assistés, parfois des multiples, plus rarement des pièces uniques, mais surtout des témoignages – textes, photographies, films – d’actions. Des gestes qui sont à considérer « en l’état », « comme dans la vie », mais qui, si l’on y regarde à deux fois, détournent et interrogent leur fonction et leur signification première, qu’elles soient sociales, politiques ou symboliques. Gianni Motti aime démystifier les croyances, la morale et le consensus, en les réinvestissant d’un sens nouveau, d’une prise de position décalée et inattendue ou d’une dénonciation souvent ironique et critique.

Le mode de détournement pratiqué par Gianni Motti semble davantage s’assimiler à des tentatives de contournement, voire à des tours de passe-passe : mort le 29 juillet 1989, il organisait son propre enterrement à Vigo (Entierro n°1) et se donnait la liberté de ressusciter, d’être quelqu’un d’autre et de choisir son identité. Plus significatif encore, la gestion de sa rétrospective proposée en 2004 par le Migros Museum de Zurich (Plausible Deniability). L’espace était totalement dédoublé de cloisons en contreplaqué, reconstruisant un parcours labyrinthique vide qui dirigeait, implacablement, le spectateur vers l’arrière-cour du musée. Les œuvres absentes, le commentaire les remplaçait, assumé par plusieurs guides chargés de présenter les étapes importantes du travail de Gianni Motti. Ce dernier substituait ainsi la narration à la réalité ; une manière d’organiser et de contrôler lui-même son passage à la postérité, de proposer un récit, de construire une légende et de donner définitivement à sa pratique artistique le statut de fiction.

Pour le projet Videos : new and revisited, et cette première série de projections, la vidéo de Gianni Motti, Cosmic StormCern, qui a été réalisée au Cern grâce à la technique de l’infra-rouge. Elle relate l’expérience que Gianni Motti a pu vivre grâce à un groupe de scientifiques, qui ont découvert l’existence des neutrinos, particules invisibles et évanescentes, issues de la réaction nucléaire du cœur du soleil. Enfermé dans une sorte de boîte, Motti est percuté en permanence par ces neutrinos dont nous visualisons les trajectoires grâce à un système de détecteurs. Ces particules inframinces percutent en continu tous les corps, humain ou non, et sont constamment présentes dans notre environnement, sans que nous ne puissions jamais les voir ni les percevoir. Elles peuvent parcourir des kilomètres pour aller percuter des montagnes ou s’échouer au fond des océans.

Cette vidéo est une édition produite par le CEC pour l’exposition personnelle de Gianni Motti, Perpetual Channel, qui a eu lieu en novembre 2006, et qui témoignait de son immersion pendant plusieurs jours dans le monde très fermé du Cern et de ses chercheurs.

Gianni Motti (1958, Sondrio) vit et travaille à Genève. Son travail a été présenté dans le cadre de diverses expositions individuelles, comme : EX–POSITION21, Galerie Mezzanin, Geneva (2021) ; Ex-position au Helmhaus, Zurich (2018). Il a également participé à de nombreuses expositions collectives : Vertrauen à Helmhaus Zurich, Zurich (2022) ; Acquisitions 2021 au Fonds d’art contemporain de la Ville de genève, Genève (2022).
Ce projet bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Alexandre Bianchini
Detroit on Circle

Alexandre Bianchini, Detroit on Circle, transfert numérique de films Super 8, 12’24’’, musique, 1996

Baignant dans un environnement qui privilégie la peinture abstraite, influencée par la tradition suisse, l’art concret et par le mythe de l’abstraction américaine des années 1960, Alexandre Bianchini a recherché d’autres influences au sein du mouvement conceptuel des années 1960-1970, d’Andy Warhol et du Pop art. Avec ce même souci de retrouver des gestes plus immédiats et davantage critiques, il a réinvesti des médiums plus légers, mobiles, voir même désuets, tels que le super 8, le livre d’artiste et l’imprimé.

Pour le programme de projections, Videos : new and revisited, le nouveau site internet du CEC et sa partie « Vidéos récentes » et « Archives », nous avons choisi dans la collection du CEC, l’édition d’une série de films super 8 d’Alexandre Bianchini, Detroit on Circle, datant de 1996. Chacun de ces films courts, de 3 minutes, proposait une bande son composée d’extraits de musique techno, références directes aux artistes de la scène musicale de Détroit, avec Robert Hood ou Jeff Mills, ou davantage issus de l’environnement direct de l’artiste et de la scène techno, avec DJ Sid ou Hubert Mean.

Bianchini filme, zoome et dézoome au rythme des extraits sonores, un carton détaché d’une boîte de « Pain croustillant au Sésame » de la marque suisse Roland, fixé à la verticale et au centre d’un vinyle tournant au rythme d’un 33 tours. Ce petit carrousel offre à voir en alternance cette publicité pour les pains au sésame et l’image collée au dos du carton, tantôt d’une chambre spartiate, tantôt d’un sentier dans la jungle, souvenir d’un séjour de l’artiste en Colombie. La vidéo de ce carrousel qui tourne sans fin, pris dans un mouvement avant/arrière, des sons technos très cadencés, répétitifs et entrainants, provoquent un effet hypnotique et désuet, qui nous fait osciller entre ces biscottes suisses et les sensations d’un voyage en Colombie.

Alexandre Bianchini (1966, Genève) vit et travaille à Genève. Son travail a été présenté dans le cadre de diverses expositions individuelles, comme Child of rage au Locus solus, Prilly (2022) ; Sans tain sans titre au Halle nord, Genève (2018). Il a également participé à de nombreuses expositions collectives : Aquisitions 2021 au Fonds d’art contemporain de la Ville de Genève, Genève (2022) ; Etat des lieux à la maison Gaudard, Lausanne (2022).
Ce projet bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.

Roman Signer
Installation hélicoptère, 1990

Roman Signer, Installation hélicoptère, 1990, vidéo, 4′ 59”, PAL, son, 1990

Cette vidéo représente l’enregistrement d’une performance de Roman Signer, filmée à huis clos directement dans la salle d’exposition du Centre (en 1990, Centre genevois de gravure contemporaine) avant son exposition personnelle qui a eu lieu du 26 octobre au 8 décembre 1990. Il y présentait les différents éléments utilisés pour cette performance : un hélicoptère avec un pinceau, une boîte de conserve remplie d’encre noire et neuf peintures.

Pour cette action, un hélicoptère de modélisme était équipé à sa base d’un pinceau. L’hélicoptère devait réaliser plusieurs allers-retours entre une boîte de conserve remplie de peinture noire, placée au centre d’un dispositif de neuf toiles vierges, posées au sol. À chaque rotation, l’hélicoptère, guidé par un pilote expert en modélisme, trempait son pinceau dans la boîte de conserve, et allait déposer de la peinture noire sur chacune des toiles, produisant ainsi une série de peintures informelles.

« […] Roman Signer intervient sur les éléments naturels – eau, feu, air, terre – et parfois sur des objets manufacturés ou industrialisés tels des caisses, des bidons, des ballons ou des meubles, en les faisant voler, tomber, exploser, se remplir, se vider, etc., à l’instar de Richard Serra lorsqu’il proposait, en 1967-1968, sa fameuse liste de verbes d’action « rouler, rabattre, plier, tordre, fendre, couper… » Roman Signer privilégie le déroulement, le processus et l’idée de sculpture en mouvement. Son dernier film retrace une action de plus d’un mois, Aktion mit einer Zündschnur, entre Appenzell et Saint-Gall. Une mèche de 20 km, placée le long de la voie de chemin de fer, reliait les deux villes. La mise à feu était donnée à la gare d’Appenzell, le parcours se terminait à la gare de Saint-Gall. Roman Signer et son équipe devaient surveiller le parcours de la flamme et la faire exploser tous les 100 mètres. Il y eut donc 200 explosions, toutes les 4 heures 30, la vitesse de la flamme étant d’un quart d’heure par mètre. Loin d’un petit problème de calcul, cette action confrontait la violence de chaque explosion, la répétition dérisoire du même bref incident avec l’étirement du temps total (35 jours). Elle prenait l’allure d’un parcours initiatique où un équilibre entre la concentration de l’énergie et sa libération devait être maintenu. Roman Signer recherche une certaine domination de l’espace et du temps qui lui demande, lors de chaque action, une attention et des dispositions psychiques qui vont s’exprimer au travers de jeux souvent violents et dangereux, mais toujours poétiques, magiques et humoristiques. Roman Signer n’est donc pas seulement une espèce d’artificier de génie, mais un artiste qui s’intéresse à des situations de tension, afin de créer des mouvements et des formes esthétiques qui exploitent les diverses capacités physiques de chaque « objet » choisi. L’événement peut être d’une remarquable simplicité comme cette Boîte aux feuilles mortes (1982) posée sous des arbres, qui se remplit de feuilles au fur et à mesure que la saison automnale avance »

(Extrait du communiqué de presse de l’exposition personnelle de Roman Signer, Installation hélicoptère, 1990, qui a eu lieu du 26.10 au 8.12.1990)


Roman Signer, Installation hélicoptère, 1990, vidéo, PAL, 5’, couleurs, son, pilote d’hélicoptère de modélisme : Armin Caspari, images : Simon Lamunière, 10 exemplaires U-Matic numérotés de 1 à 10 et 5 H.C. numérotés de I à V et signés, 20 exemplaires VHS numérotés de 1 à 20 et 4 H.C. numérotés de I à IV et signés. Centre genevois de gravure contemporaine/CEC, 1990
Roman Signer est né en 1938 à Appenzell. Il vit et travaille à Saint Gall. Parmi les nombreuses expositions personnelles qu’il a présentées, citons les plus récentes : Kunsteinrichtung Roman Signer, Villa Garbald, Castagne (2023) ; Roman Signer. Schenkung der Ursula Hauser Sammlung, Kunstmuseum St. Gall (2023), Roman Signer, Malmö Konsthall, Suède (2023) ; Roman Signer. Installation, Stampa, Bâle (2022), Roman Signer. Sculptures et une installation, Art : Concept, Paris (2022) ; Roman Signer, FRAC Franche-Comté (2022) ; Roman Signer. Vier Apfel / Four Apples 2011-2021, The Little Art Window, Gstaad (2021). Son travail a également fait partie d’expositions collectives, comme : Schildkrötentempel. Kleine Skulpturen und Objekte, Rehmann Museum, Laufenburg (2023) ; Gruppenausstellung, Hauser & Wirth Somerset, Bruton (2023) ; On On Kawara. Eine Hommage an On Kawara und Hiroko Kawahara, Kunstzone Lokremise, St. Gall (2022) ; Show Your Work, 601Artspace, New York (2022) ; Moment.Monument, Kunst Museum Winterthur, Winterthur (2021) ; The Paradox of Stillness: Art, Object, and Performance, Walker Art Center, Minneapolis (2021).
Ce projet bénéficie du soutien de l’Office fédérale de la culture et de la République et canton de Genève.