Filière papier – Filière expo
Exposition du 31 octobre 2003 au 17 janvier 2004
Vernissage le jeudi 30 octobre 2003, dès 18h00
Afin de poursuivre notre politique d’investigation du champ de l’édition et de le considérer comme un espace d’essais et d’expérimentations, nous avons choisi cette année de nous déplacer vers des objets qui jouent avec les limites du système, artistique et commercial. Toute l’année 2003 a été consacrée à des publications affranchies des possibilités attendues de transmission et de distribution, avec des éditions du type : affiches et porte-documents, fanzines, Xerox books, journaux et revues, souvent gratuits, distribués librement, avant comme après l’exposition (de main à main, par voie postale ou grâce à des dépôts dans des lieux publics, bars, boutiques, galeries, centres d’art et musées, …)
Ces modes éditoriaux alternatifs, légers et décalés – et jusqu’à présent davantage pratiqués par les artistes – ont été repris à l’actif des organisateurs d’exposition, des lieux d’art contemporain et des graphistes. Ces imprimés réalisés rapidement, souvent avec peu coûts, servent aujourd’hui de nouveaux vecteurs de transmission et d’information, aussi bien pour des projets d’exposition que pour des critiques, et évidemment des artistes, à la recherche de supports indépendants.
L’amplification de ce type de publications nous a amenés – après avoir déjà dans le passé édité plusieurs éditions de ce genre – à inviter quatre commissaires d’exposition indépendants, souvent également éditeurs ou directeur de publications : Jacob Fabricius (DK), María Inés Rodriguez (CO/FR), Alexis Vaillant et Eva Svennung (FR).
Au-delà d’un large spectre d’activités, tous ont repensé et essayé de libérer la pratique « curatoriale » du rôle prédéterminé et convenu du commissaire d’exposition ou du responsable d’institution. Souvent, ils ont réinventé les contextes et les modes de présentation et créé de nouvelles possibilités de rencontre avec le spectateur. Ils ont tous, et de façon très personnelle, développé des stratégies leur laissant le maximum d’autonomie, vis-à-vis des institutions (musées, centres d’art) ou du marché (galeries, foires), en transformant ou détournant des lieux de vie : un appartement, un salon de coiffure, une vitrine, un bar, des bancs publics ou même en intervenant directement dans la rue. Indifféremment et sans surévaluation, mais comme un commentaire, une prise de distance, un geste critique, le lieu et le moment de communication et d’échange pouvaient être une soirée, un concert, un événement et même une proposition sans public : une publication, des écrits, des discussions entre amis, jusqu’à une participation et une implication personnelles aux processus de création.
Le but de cette exposition est précisément de mettre en évidence des positions innovantes, parfois ironiques, dégagées de certaines conventions en cours dans la pratique de l’exposition, mais aussi dans celle de l’édition, grâce à trois nouveaux projets de publication (5 Xerox artist’s books proposés par Jacob Fabricius, le n° 5 de la revue Valdez fondée par la famille Valdez et María Inés Rodriguez et les n° 1, 2, 3 et 4 du Pacemaker de Toasting Agency, agence créée par Eva Svennung et Alexis Vaillant) et de proposer des systèmes de production et de diffusion très allégés.
Jacob Fabricius/Pork Salad Press (DK) : publication de 5 livrets d’artiste de textes ou/et d’images (A5, Xerox, entre 16 et 32 pages, 200 exemplaires), dont Céline Duval (FR), Katie Holten (IS), Roman Ondák (SK), Josef Strau (DE) et Mads Ranch Kornum (DK).
Jacob Fabricius est un commissaire d’exposition très indépendant et un éditeur prolifique qui est basé à Copenhague. Après avoir collaboré avec la galerie Nicolai Wallner, il a ouvert un espace alternatif consacré à la vidéo et organisé plusieurs expositions collectives. Il fait partie de l’équipe curatoriale de Momentum (Nordic Biennale of Contemporary Art, 2000) et a publié plusieurs ouvrages avec sa maison d’édition Pork Salad Press; il a dernièrement ouvert à Copenhague une petite librairie, Appendiks, et poursuit son activité de commissaire indépendant en proposant des projets innovants et inhabituels impliquant un rapport direct avec le spectateur, l’espace public ou un engagement plus personnel et physique. Pour Rent-a-bench (2002), il a – par exemple – invité 36 artistes à intervenir dans les espaces publicitaires des bancs d’arrêts de bus de Los Angeles; pour son dernier projet Sandwiched (in New York) (2003), il s’est transformé en homme-sandwich et s’est baladé chaque jour pendant trois heures avec l’un des panneaux réalisés par un des artistes invités. Et comme il le dit lui-même : « The sandwich board project is about getting involved directly with the public audience in the streets, testing the role of the curator, making him or her vulnerable, and examining how an artist’s work can be displayed outside commercial or institutional structures ».
Les cinq livrets d’artistes réalisés par la biais de photocopies par Jacob Fabricius pour le Cec traduisent le rapport de proximité qu’il entretient avec les artistes, lequel lui permet de produire, très vite, légèrement et avec peu de moyen, un peu « à la manière » des artistes eux-mêmes.
María Inés Rodriguez et la Famille Valdez (CO/FR/US) : édition du n° 5 – le Valdez de oro-anthologie des révolutions – de la revue d’artiste Valdez, réalisée en collaboration avec trois artistes : Lucas Ospina (CO), François Bucher (US/FR/CO) et Bernardo Ortiz (CO). Revue réunissant principalement des textes et interventions d’artistes ainsi que de critiques d’art, des interviews, des inserts d’artistes, des images, des dessins, … Tous les numéros incluent un flip-book movie réalisé par un artiste invité dans le coin inférieur droit du magazine. Pour le n° 5, un extrait de El dia que me quieras (1998) de Leandro Katz. Le graphisme du Valdez de oro est réalisé par Lucas Ospina.
Format 19,5 x 13 cm, 270 pages, noir/blanc, français-anglais-espagnol, 500 exemplaires, gratuit.
Valdez est un magazine qui a débuté en 1995. Il a été créé à Bogotá par trois artistes : Lucas Ospina, François Bucher et Bernardo Ortiz. Valdez se présente dans un format roman. Dans le premier numéro, la plupart des textes étaient écrits par les trois artistes-éditeurs, car Valdez se voulait à l´opposé du magazine habituel : au lieu de mettre l´accent sur l´actualité, Valdez gardait obstinément une volonté de ne pas être dépendant des événements et, au lieu d´avoir une multitude de correspondants, restait plutôt un « magazine d´auteur ». Valdez sortait tel quel et uniquement lorsque les éditeurs en avaient les moyens et était envisagé plutôt à long terme qu´à court terme. Valdez n° 5 est un numéro spécial, le Valdez d´or, une anthologie des révolutions. Le terme « »révolution » est compris ici au sens large, comme quelque chose de collectif et d’individuel, microscopique et macroscopique, à la fois dans et hors-cadre. Les correspondants ont cette fois été invités à présenter un texte nouveau ou à sauver de l´oubli un texte déjà existant.
Eva Svennung et Alexis Vaillant/Toasting Agency (FR) : publication d’un journal gratuit, Pacemaker, dépliant, quatre numéros à paraître en 2003 (1er numéro en avril, 2e en juin pour l’Art Basel et Liste 03, 3e à l’ouverture de l’exposition Filière papier-filière expo et le dernier en décembre) avec pour chaque numéro un graphiste différent (le n° 1 avec Devalence, Paris; le n° 2 sans graphiste mais avec un directeur artistique : l’artiste suisse Valentin Carron; le no 3 avec Sylvia Tournerie/3 points, Paris, …).
Format 148,5 x 210 mm, recto-verso, noir/blanc, 7000 exemplaires pour chaque numéro, anglais et/ou français.
Fondée à Paris en 1999 par Eva Svennung (commissaire, éditrice) et Alexis Vaillant (commissaire, éditeur et critique), Toasting Agency procède autant de l’exploration de concepts que de l’élaboration d’expositions, la production de projets artistiques à vitesses et à dimensions variables et la réalisation de publications. Les ressorts et les mécanismes en jeu dans la plupart des scénarios développés par cette entreprise curatoriale officiant en France et à l’étranger visent à identifier certaines des possibilités dont les artistes disposent aujourd’hui pour développer et inscrire leur travail dans les différents réseaux (économiques et artistiques) de production qu’ils traversent afin de se constituer. S’immiscant pour cela plus spécifiquement au cœur des fabriques de l’image, à la fois terrain de jeu, d’expérimentation et d’activation, Toasting Agency génère des contextes de production artistique inédits au plus près des préoccupations liées à la question de l’exposition d’une partie de ceux qui pratiquent la sphère de l’art au quotidien.
Dès ses débuts, l’équipe de Toasting Agency a souhaité créer un journal. C’est aujourd’hui chose faite. Pacemaker fait le pari de déconfiner le plus possible le terrain critique actuel, sans pour autant se rabattre sur un éclectisme éditorial thématisé et se donne pour cela des allures de fanzine. Underground parce qu’il est conçu avec les artistes. Impertinent parce qu’il ne souhaite pas produire une littérature langue de bois « sur » l’art. Teaser parce qu’il renvoie aux « oeuvres complètes ». Pacemaker est constamment ravalé par une ligne graphique confiée à des intervenants toujours différents. L’équipe éditoriale de Pacemaker diffuse de la « matière première », des impulsions, des courts-circuits, des chemins de traverse plus que du commentaire et fait aimablement circuler ce contenu (gratuit, de main à main, envois personnalisés, réseaux de distribution établis, libre consultation dans certains cafés, clubs, centres d’art, musées d’art contemporain, …). Chaque numéro ouvre partiellement ses colonnes à ce qui travaille, alimente, irrite, empêche, détermine et motive artistes et auteurs, loin du cynisme concensuel ambiant parce que ses collaborateurs n’acceptent pas le simple constat d’une critique qui aurait manqué à l’appel de l’art actuel, devenu soi-disant anecdotique et inoffensif. Un pari produit dans un contexte saturé.