Jakob Kolding
exposition du 28 mars au 10 mai 2003
vernissage le 27 mars dès 18h00
Editions
Posters, publication d’artiste, porte-documents contenant 18 imprimés pliés : reproductions de photos d’affiches en situation, plusieurs textes anglais/français dont une introduction de l’artiste, une sélection de textes sur des projets antérieurs, un texte de Doreen Massey (géographe), les traductions en français des textes de certains posters, 21 x 29,7 cm, offset, noir/blanc, sur papier couché demi-mat blanc 115 gm2, porte-documents sur papier Invercote G –Print couché mat un côté 280 gm2, 22 x 30,5 cm, 700 exemplaires, édition du Centre d’édition contemporaine, 2003.
Affiche, offset, noir/blanc, sur papier affiche couché blanc brillant 135 gm2, 60 x 84 cm, tirée à 700 exemplaires, non numérotés, non datés et non signés, édition du Centre d’édition contemporaine, 2003.
Jakob Kolding est un jeune artiste danois né en 1971 à Albertslund et qui vit aujourd’hui Berlin. Je précise son lieu de naissance, de son enfance et son adolescence, car cette cité a marqué profondément sa perception de la société, qui constitue en fait le point de départ de son travail artistique. Albertslund est une banlieue située aux environs de Copenhague, qui représente le parfait exemple de ces cités idéales, imaginées par les architectes et urbanistes utopistes de la fin des années 60, porteuses d’un rêve communautariste très présent dans les pays du nord de l’Europe.
Ces projets proposaient une vision égalitariste de la société, directement issue des cités-jardins, nées en Europe au tournant du XXe siècle et qui se sont multipliées à partir des années 20. Ce genre de programme, comme celui qui a inspiré la banlieue de Kolding reconstituait une sorte de village parfaitement autonome, où tout était « prévu » et pensé : mairie, église, hôpital, salles de réunions, théâtre, école et garderie d’enfants. Bien évidemment, toutes les maisons sont strictement identiques. Chacune d’elles offre le même agencement, les mêmes espaces communs et privés, intérieurs comme extérieurs, souvent et davantage prévus pour la famille traditionnelle composée de deux enfants ou plus. Tous les détails pratiques et esthétiques de chacune de cette centaine de petites maisons individuelles sont les mêmes : boîte à lait ou à lettres, réduit, porte d’entrée, auvent, barrières, … Cette répétition avait évidemment pour but de gommer toutes les inégalités sociales et économiques et donne, à ce genre de lieux, un aspect minimal et abstrait qui souligne le programme global. A priori dépersonnalisantes, ces cités semblent, dans un premier temps, plus proches du ghetto que de la ville idéale, réunissant dans un lieu unique un certain type de population et un groupe social bien précis, mais elles offrent aussi un espace totalement protecteur et sécurisant.
Jakob Kolding est l’enfant de ces utopistes – qui ont été entièrement partie prenante de ces projets progressistes en allant jusqu’à y vivre eux-mêmes – et il réhabilite par son travail, avec ironie et un sens de la provocation, ces banlieues jugées aujourd’hui comme des lieux quasi carcéraux. Conscient des dégâts et des déséquilibres sociaux que créent ces cités isolées des grands centres, il questionne leur statut actuel, leur réussite ou leur échec ainsi que leurs possibilités d’avenir.
Dans ses collages se croisent deux époques et deux générations, où s’entremêlent aussi bien des photos de barres d’immeubles, des plans et des cahiers des charges de grands ensembles, des images d’architectes chevelus penchés sur d’immenses maquettes de villes, que toute une iconographie issue de la culture sportive et musicale des jeunes banlieusards : taggers, skate-boarders, footballeurs et autres DJ à leurs platines.
La juxtaposition de ces mondes, celui des grands idéaux des années 70 et ceux plus pragmatiques des cités-dortoirs avec la rue et sa jeunesse, démontre que naissent de ces différents contextes, jugés difficiles, des attitudes de résistance, de revendication et une explosion créatrice. Cette réappropriation de la ville trouve un écho juvénile et moqueur dans le brassage des références pratiqué par Kolding, qui casse les classifications conventionnelles en infiltrant, par exemple, à l’esthétique dynamique et élégante des montages de El Lissitzky ou de Lászlo Moholy-Nagy des motifs de cette soi-disant subculture, ou en permettant les exploits d’un jeune skater sur les sculptures minimalistes d’une grande figure artistique des années 70 telle que Robert Morris.
Jakob Kolding ouvre ici un débat qui questionne les a priori sociaux et culturels que minent notre environnement urbain occidental en croissance constante, où s’entrechoquent pouvoir et nouvelles résistances : SPATIAL DEVELOPMENT PROCESSES : ORGANIZED OR DISORGANIZED ? 1 ou encore TRANSFORMATION OF PUBLIC SPACE : FROM DOMINATION TO EMPOWERMENT, SPACED OUT ? RESISTANCE AND POSSIBLE SCOPE FOR ACTION 2.
(Véronique Bacchetta, 2001)
Concernant la publication d’artiste éditée par le Centre, Jakob Kolding a pour projet de reprendre une série très complète de travaux sur papier : posters, anciens ou plus récents, de les rééditer et d’y joindre des inédits, ainsi que des images prisent lors de précédentes campagnes d’affichage. Ce set d’imprimés donnera un aperçu très significatif de son travail. Plusieurs textes rejoindront les images, entre autres : une introduction de l’artiste, textes liés à de précédents projets d’affiches : Vollmose (banlieue de Copenhague), Bornholm (île du Danemark), Valencia (Los Angeles) et Genève, et celui d’une géographe, spécialiste de l’évolution structurelle et sociale des espaces urbains et suburbains. La plupart des imprimés (A3, 3XA4, 4xA4, 5xA4) seront pliés en deux, trois ou quatre fois, pour former des documents A4. Les feuillets sont ensuite glissés dans une chemise, sorte de porte-document, et restent libres et non reliés. Chaque lecteur pourra ainsi sélectionner une affiche, la déplier, la mettre au mur ou laisser l’ensemble tel quel.
Pour les deuxième et troisième parties du projet, Jakob Kolding envisage de réaliser deux nouveaux imprimés uniques, et une nouvelle affiche (A1) en vue d’une campagne d’affichage au centre de la ville de Genève, qui aura lieu quelques jours avant le vernissage. Cette dernière affiche sera également mise gratuitement à la disposition du public pendant la durée de son exposition au cec.
Pour ces nouveaux travaux, Kolding choisira plusieurs sujets genevois, parmi des photographies prises lors de son précédent séjour à Genève: les rues basses, le quartier des banques, l’intérieur et l’extérieur du Palais des Nations, les parcs des bords du lac, Uni 2, le Lignon,. Des sites qu’il a choisis pour leurs qualités architecturales ou qui traduisent sa vision personnelle de la ville.
Les images prisent à Genève seront retravaillées, morcelées, juxtaposées peut-être à celles d’autres villes, complétées par des commentaires de l’artiste ou tirés d’enquêtes sociologiques et de programmes d’urbanisme ou entrecoupées de slogans politiques, d’illustrations prises dans la presse ou de documents historiques, ou de questions sur l’évolution de nos villes et de nos cités, … Cet enchevêtrement serré de références exalte toujours cette même fascination pour la ville, ses architectures, les espaces sururbanisés et en constante évolution, où s’entremêlent les nouvelles tendances culturelles et habitudes de consommation, les manifestations urbaines des phénomènes culturels des jeunes générations : résistance par le jeu, le sport, la musique, les tags, le look,… .
Les compositions de Kolding créent une immédiateté, un zapping rapide, ludique et humoristique, qui donnent à ses collages une dynamique quasi musicale.
Cette première exposition de Jakob Kolding en Suisse, hormis les nouveaux travaux imprimés, la campagne d’affichage et l’édition de la publication d’artiste, présentera une série de collages et d’affiches plus anciens, qui offrira une vision, complète de son travail.