Gianni Motti
Perpetual Channel
Exposition du 17 novembre 2006 au 10 février 2007
Vernissage le jeudi 16 novembre 2006, dès 18h
Une horloge digitale récemment installée sur le fronton de l’entrée du Palais de Tokyo égrène le compte à rebours des 5 milliards d’années qui nous séparent de l’explosion du soleil, et donc de la disparition de toute vie sur terre. Big Crunch Clock (1999) nous rappelle l’inexorable fin de toutes choses. Un savon réalisé avec les graisses superflues de Silvio Berlusconi, récupérées à la suite d’une liposuccion dans une clinique suisse de chirurgie esthétique : Mani pulite (2005), premier savon de la marque Berlusconi qui lave « plus blanc que blanc » ? Qu’en est-il de la réplique du drapeau américain planté sur la lune (Tranquillity Base, 1999), une fois transposé dans l’espace du white cube ? figure-t-il la conquête poétique – mais non moins absurde – du vide ou de l’art contemporain ? autant dire de la lune ! qu’en est-il encore de la plaque commémorative des 759 victimes de Guantanamo (The Victims Of Guantanamo Bay (Memorial), 2006), prisonniers – ou plutôt otages – parqués dans un espace de non droit, littéralement soustraits aux regards de la société.
Tous ces objets ne sont ni des sculptures ni des installations, pas même des ready-made, peut-être des ready-made assistés, parfois des multiples ou des pièces uniques. Pris le plus souvent « en l’état » et juste déplacés, les objets de Gianni Motti, déchargés de leur fonction et de leur signification symbolique première, subissent une démystification avant d’être réinvestis d’un sens nouveau, d’une prise de position ou d’une dénonciation. Ironiques et critiques, ils révèlent les faces cachées du système, de la politique ou de l’état du monde. Car l’artiste aime à considérer « le dessous des cartes », l’au-delà de l’apparence et de la conscience, les phénomènes paranormaux et d’anticipation, les mouvements sectaires, les instincts primitifs et les théories du complot.
Le mode de détournement pratiqué par Gianni Motti semble davantage s’assimiler à des tentatives de contournement, voire à des tours de passe-passe : mort le 29 juillet 1989, il organisait son propre enterrement à Vigo (Entierro n°1) et se donnait la liberté de ressusciter, d’être quelqu’un d’autre et de choisir son identité. Plus significatif encore, la gestion de sa rétrospective proposée en 2004 par le Migros Museum de Zurich (Plausible Deniability). L’espace était totalement dédoublé de cloisons en contreplaqué, reconstruisant un parcours labyrinthique vide qui dirigeait, implacablement, le spectateur vers l’arrière-cour du musée. Les œuvres absentes, le discours les remplaçait, assumé par plusieurs guides chargés de présenter les étapes importantes du travail de Gianni Motti. Ce dernier substituait ainsi déjà le commentaire à la réalité ; une manière d’organiser et de contrôler lui-même son passage à la postérité, de construire un récit, une légende et de donner définitivement à sa carrière artistique le statut de fiction.