Exposition


Caroline Bachmann

DIX MATINS

Du 14 mars au 30 mai 2025

Vernissage, jeudi 13 mars 2025, de 18h à 21h (Nuit des Bains)

Nuit des Bains, jeudi 15 mai 2025, de 18h à 20h

Une lithographie tirée de l'édition de Caroline Bachmann, DIX MATINS,
éd. du CEC, Genève, 2025 © Sandra Pointet
Une lithographie tirée de l’édition de Caroline Bachmann, DIX MATINS, éd. du CEC, Genève, 2024
© Sandra Pointet

En 2013, Caroline Bachmann commence à peindre une vue du lac Léman, à différents moments de la journée, souvent à l’aube, à la tombée du jour ou même la nuit, toujours depuis la même fenêtre de sa maison à Cully. Ces peintures résultent d’un travail en deux temps. Elle commence par des croquis, qui indiquent des zones de couleurs et quelques détails du paysage. Ensuite, à partir de ces dessins qui s’apparentent plutôt à des notations, elle poursuit en atelier le travail de peinture, loin du paysage. Bachmann ne peint jamais les paysages en extérieur, mais toujours en différé, à son atelier, qu’elle nomme « sa grotte », ou encore plus loin du lac Léman, dans son atelier de Berlin. Le temps court du croquis fait place à un processus plus long de construction durant lequel elle fait appel à sa mémoire et à son imagination. Plusieurs peintures sont réalisées en parallèle, et des mois peuvent s’écouler avant que l’une d’elles ne soit achevée, une manière par la distance de se réapproprier cette vue si familière et spectaculaire, de la réinvestir.

La focalisation sur cette vue de lac, quotidienne et immuable, a la précision d’un téléobjectif mais imaginaire. Le cadre peint qui l’enserre traduit également une peinture très loin de tout naturalisme ou d’un quelconque effet atmosphérique ; ce double cadrage – limite de la toile et cadre peint –, accentue la vision resserrée et kaléidoscopique de ce plan d’eau, coincé entre un ciel immense et un cirque de montagnes souvent en contre-jour. On pense à la plongée dans les falaises de craies de Rügen de la fameuse peinture de Caspar David Friedrich, Kreidefelsen auf Rügen(1818), ou au mur ouvert d’Étant Donnés : 1° La chute d’eau, 2° Le gaz d’éclairage (1946-1966), de Marcel Duchamp. Référence particulièrement importante pour Caroline Bachmann puisque la chute d’eau visible dans le fond de cette œuvre est située à Puidoux-Chexbres, dans la même région que Cully. Découverte qui a motivé une recherche approfondie à propos d’Étant Donnés, menée avec Stefan Banz, suivie de l’organisation d’un symposium intitulé Marcel Duchamp and the Forestay Waterfall. Chez Bachmann, comme chez Friedrich et Duchamp, le cadrage est fondamental. Chez elle, il contribue à créer une distanciation avec le sujet, à transformer la peinture en une image, plus graphique, comme une page, il accentue la stylisation et refroidit l’effet pictural de la peinture à l’huile avec ses effets de transparence, impressionnistes.

A la profondeur entre ciel, lac et montagnes répond une ligne de partage entre deux plans horizontaux, de part et d’autre de la ligne d’horizon, qui rappelle Le Léman vu de Chexbres (vers 1904) de Ferdinand Hodler, réalisé depuis ce même rivage. L’horizontalité suggère un équilibre suspendu qui se retrouve chez Bachmann dans la stylisation des bandes de nuages ou dans les grilles formées par les rayons de soleil. Renonçant à toute figure humaine, à toute élément anecdotique, par exemple des bateaux sur le lac, Bachmann accumule les formes imaginaires – en volutes, arabesques et semis de points – ou les motifs étranges, informels. Évidemment, Bachmann travaille aussi la luminosité de ce site géographique exceptionnel, jouant sur les harmonies et dysharmonies, grâce à une gamme de couleurs qui semble sans limites, des surfaces saturées et d’autres iridescentes, passant de spots extrêmement lumineux à des détails plus éteints et sombres, multipliant les contrastes très marqués.

Le vocabulaire formel de Bachmann s’apparente parfois à de drôles d’objets non identifiés. Cette stylisation loin de toute esthétique pop produit des sortes d’images rêvées et inconscientes, comme des traces et des coups de lumière sur la rétine. Bachmann se réserve ainsi la liberté d’une immense bibliothèque de formes et de couleurs qui lui permet d’échapper à tout rapprochement avec des formules romantiques, régionaliste, ou à des visions de carte postale. En concurrence avec une typologie touristique, à la limite du « trop beau pour être vrai », elle la transforme en un vocabulaire poétique, presque naïf ou enfantin, parfois facétieux, avec des influences seventies, hippies tendance psychédélique, en touchant du bout des doigts le spirituel. Sans complaisance et dès qu’une exaltation sentimentale pourrait apparaitre, Bachmann se déplace, multiplie les écarts, les surprises, inventant d’autres combinaisons, plus vives et mordantes, qui lui permettent d’écarter la tentation où la représentation d’un paysage spectaculaire, fascinant, addictif, pourrait l’entrainer.

À l’occasion de son exposition au Centre d’édition contemporaine, Caroline Bachmann présente une nouvelle édition de lithographies, Dix Matins, inspirées de dessins réalisés en 2023, à Überlingen, sur les rives du lac de Constance. Ici aussi il y a unicité de lieu, de sujet et de focale : le matin, le ciel, le lac et la ligne d’horizon avec leurs combinaisons de lumière, d’ombres et de reflets. Mais chaque lithographie crée une surprise : un ciel lumineux alterne avec des jeux de nuages orageux, le lever du soleil avec une rémanence de la lune ou du ciel étoilé… Le rendu est très dessiné, dans un camaïeu de bleus ; les surfaces semblent travaillées à la craie grasse ou au pastel pour se fondre avec le grain du papier. Bachmann fait alterner des aplats, adoucis par la technique de la lithographie, et des disséminations de petits traits ou de motifs répétitifs, évoquant des broderies. Les rayons de soleil qui traversent les bandes de nuages et illuminent le plan d’eau, laissé parfois totalement blanc, fait ressortir le papier. Les contrastes entre clair et obscur sont accentués, mais peuvent aussi alterner avec des traitements plus doux, certaines images étant très blanches, surexposées et calmes, d’autres très sombres, orageuses et dramatiques. Le bleu cobalt, unique, spécialement créé par le lithographe, confère à ces paysages une aura semblant provenir d’une ancienne technique photographique, amplifiée par le point de vue resserré et répétitif. La vue elle-même, entre ciel et lac, fait partie d’un vocabulaire esthétique connu, comme un souvenir, un archétype, et même si Bachmann s’est inspirée de la réalité, elle a tellement été retravaillée, dans un double mouvement d’affinement et de réduction, que l’image en devient factice, en fait sublimée, à l’exemple de la fameuse série de dix estampes de Hokusai, La Grande Vague de Kanagawa (1830-1831). Car si chaque lithographie conserve certains détails propres au lieu déterminant la cohérence de la série, les écarts entre chaque matin stimulent le regard, la curiosité, et évite par le raffinement d’une écriture parfaitement lithographique, que la répétition des signes ne devienne iconique. 

Caroline Bachmann

DIX MATINS

Dix lithographies, deux couleurs, sur papier Vélin BFK Rives, 300 g/m2, 20 x 20 cm, numérotées de I à X, datées et signées (initiales : CB), réunies dans une boîte, devant tombant, 21 x 21 x 2 cm, carton Chaumont luxe satiné, 700 g/m2, papier teinté dans la masse, Toile du Marais 162 g/m2, avec un colophon dans le fond de la boîte, impression numérique noir sur papier blanc non couché, 200 g/m2, 20 x 20 cm, 15 exemplaires, 3 e.a. et 2 H.C, numérotés sur chacune des lithographies et numérotés, datés et signés (signature) sur le colophon, impression : Idem, Paris, boite : Cartonnages Jean Losey, Genève, édition du Centre d’édition contemporaine, Genève, 2024.

Née à Lausanne en 1963, Caroline Bachmann vit et travaille entre Cully et Berlin. Après avoir étudié à l’école des arts décoratifs de Genève, Caroline Bachmann a vécu et travaillé à Barcelone et à Rome avant de revenir en Suisse en 2003, où elle est actuellement basée. De 2007 à 2022, elle est professeure et responsable du département de peinture et de dessin à la Haute école d’art, HEAD, à Genève. Elle reçoit en 2022 le Prix Meret Oppenheim. Elle a collaboré avec l’artiste suisse Stefan Banz entre 2004 et 2014, période durant laquelle ils ont fondé le KMD – Kunsthalle Marcel Duchamp | the Forestay Museum of Art, un espace d’exposition et de recherche, qui propose de mini-expositions dans une structure en forme de gélule transparente. Deux niveaux, une vitrine à 360 degrés, une autre, plus petite encore, plus fermée, à l’intérieur de la base de la cellule. Cette minuscule salle d’exposition installée sur un pied, à hauteur du regard des promeneurs, est installée en permanence à Cully, au bord du lac, le long du Quai de l’Indépendance et de la Place d’Armes. Dernière exposition :  N’zo C’est Du GâteauMARSEILLE DUCHAMP, visible jusqu’au 31 mai 2025. Son travail a été présenté dans le cadre de nombreuses expositions personnelles, telles que : Caroline Bachmann & Nicolas Party, Tribute to a Lake, Galerie Gregor Staiger, Zurich (2025) ; Les nouvelles pluies vont bientôt tomber, Locus Solus, Lausanne, CH (2024) ; Le Rhin, Meyer Riegger, Berlin (2024) ; Le Matin, Le Crédac, Ivry-sur-Seine (2023) ; Lune rousse reflet, Galerie Gregor Staiger, Zurich (2023) ; Galerie Meyer Riegger, Karlsruhe (2022) ; Nine Landscapes, Two Portraits, and One Candy Bar, Meyer Riegger, Berlin (2022) ; 58 av. J.-C., Galerie Gregor Staiger, Zurich (2021) et Kunsthaus Glarus, Glarus (2020) ; Starry Sky, Duane Thomas Gallery, New York (2020) ; Le temps retrouvé, Locus Solus, Lausanne ; Museum 1, Adligenswil (2019). Son travail a également fait partie de nombreuses expositions collectives : Hommage à Felix Vallotton, Musée Jenisch, Vevey (2025) ; Modell Neutralität, Aargauer Kunsthaus (2025) ; Imaginaires du Jura, Musée des Beaux-Arts de Soleure (2025) ; Jardin d’hiver, MCBA, Musée Cantonal des Beaux-Arts, Lausanne (à venir 2025) ; Le Mamco de mémoire, Mamco (2024) ; Thalassa Thalassa! L’imaginaire de la mer (avec Stefan Banz), MCBA, Musée Cantonal des Beaux- Arts, Lausanne (2024) ; Temps de Mars, Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds, La Chaux-de-Fonds (2024) ; Apropos Hodler,Kunsthaus Zurich, Zurich (2024) ; Friendship: That Shiver, That Aspen, CRAC Alsace, Altkirch (2024), SYMMETRICAL SPACE POPS, Galerie Gregor Staiger, Zurich (2024) ; La Ferme de la Chapelle, Lancy, Genève (2023) ; Peintres, CACY, Yverdon-les-bains (2023) ; Un Lac Inconnu, Bally Foundation, Lugano (2023) ; Agora, Centre Art Contemporain Genève (2023) ; Etat des Lieux, Espaces d’art indépendants, Maison Gaudard, Lausanne (2023) ; (Un)Certain Ground, Kunsthaus Pasquart Biel, Bienne (2023) ; HEAD Campus inauguration, Geneva (2023) ; Inventaire, MAMCO, Genève (2021) ; Hans Emmenegger, Fondation de l’Hermitage, Lausanne (2021).

À Venir

Caroline Bachmann

DIX MATINS

Du 14 mars au 30 mai 2025

Vernissage, jeudi 13 mars 2025, de 18h à 21h (Nuit des Bains)

Nuit des Bains, jeudi 15 mai 2025, de 18h à 20h